Cet article, servant de conclusion et de synthèse à mon aventure en Birmanie, s’articule en deux parties. Dans la première, je vais parler des deux points qui m’ont le plus marqués, totalement (ou presque) inexistants de ce que j’ai connu au Vietnam : la notion de respect, et la notion de religion. Dans la seconde partie, je passerai en revue rapidement les différents points qui peuvent attirer des gens à voyager, qui sont selon moi : les gens, les paysages, la nourriture, les monuments, et (plus personnel) la moto. Je parlerai très souvent du Vietnam ici comme élément de comparaison, cela me semble plus naturel.


La Birmanie est le pays le plus pauvre et le moins développé que j’ai pu visiter jusqu’à présent, avec un manque cruel d’infrastructures, des coupures de courant très fréquentes, souvent pas de toilettes (on fait dans la rue, très pratique le longyi pour ça : on s’accroupit et l’affaire est pliée), pas toujours l’eau courante, un véritable défi de trouver du wifi dès qu’on s’éloigne des grosses villes. Pourtant, sur bien des aspects, je l’ai trouvé en avance sur ses pays voisins (comme le Vietnam que je connais mieux que les autres). Je pense en particulier au respect des règles, imposées explicitement ou implicitement, pour vivre convenablement en communauté (les règles de politesse par exemple : les gens disent "bonjour", "au-revoir" et "merci", ce qui peut paraître évident, mais ça ne l’est pas pour tout le monde en Asie apparemment). J’ai ressenti également un certains respect pour la nature et les animaux, chose totalement inexistante au Vietnam. On est encore loin du recyclage, et on voit beaucoup de décharges à ciel ouvert, mais on sent tout de même naître une volonté : j’ai vu des gens se baisser pour ramasser leur déchets et les mettre à la poubelle (oui ! Il y a des poubelles ici ! Enfin !), les espaces verts sont propres pour la plupart, les sentiers de randonnée ne sont pas souillés… C’est bien peu de choses, mais croyez moi, quand on vient du Vietnam, ce sont des détails qui font plaisir à voir. Envers les animaux, pas de pratique "barbares" des chinois, vietnamiens ou laotiens. Il existe un respect pour l’animal, au point de l’élever parfois au niveau des hommes : beaucoup de bouddhistes refusent de manger vaches et buffles parce qu’ils les considèrent comme leur fidèles amis qui les aident à récolter le riz, aliment de base de la population.

La religion a une place primordiale en Birmanie, contrairement au Vietnam, où l’on pratique le culte des anciens. Le pays est le carrefour de trois grandes religions, que sont le bouddhisme (la religion principale du pays, vous l’aurez compris), l’islam (certaines minorités de l’empire birman le pratique depuis bien longtemps), et le christianisme (issu de la colonisation). A Yangon, autour du parc du monument de l’indépendance, on peut voir les trois lieux de cultes sur un rayon de 50 mètres (voir photos Yangon (2/2) ). Dans la plupart du pays, peu de problèmes liés à cette divergence, les trois religions cohabitent plutôt bien. A la frontière du Bangladesh par contre, des tensions existent : à la fois les bangladeshi (de confession musulmane), qui essayent d’entrer en Birmanie pour fuir leur pays (bien plus pauvre encore que la Birmanie), sont vus comme une menace par le Myanmar de par leur démographie écrasante, d’autre part, les Rohingyas (minorité musulmane birmane non reconnue par la Birmanie, persécutés et n’ayant aucun droits), qui s’insurgent parfois contre les birmans tant leur situation est insupportable, sont causes de violences dirigés vers les bouddhistes. Le peuple musulman est considéré comme "les méchants" par les médias du Myanmar, mais certains autres habitants pensent qu’il s’agit plutôt d’une haine dirigée par le pouvoir politique en place, afin que les birmans ferment les yeux sur d’autres problèmes de société qui sévissent dans le pays. Les chrétiens, eux, semblent être vus comme des "gentils" qui ne font pas de vagues, donc pas très intéressants, je ne vais pas m’étendre sur leur cas. Les bouddhistes enfin, pratiquent souvent leur religion de manière excessive, jusqu’à troubler le quotidien des birmans (autres bouddhistes compris) : la quête est faite à chaque entrée de village, accompagnée de musique d’un volume sonore intolérable, et des litanies religieuses sont diffusées par haut parleurs dans la ville pendant des heures. La religion bouddhiste du pays, bien qu’ayant déjà collectée des richesses pharaoniques, continue à accumuler les dons de ses fidèles, qui préfèrent tout donner à la religion plutôt qu’essayer d’améliorer leur quotidien ou celui de leurs confrères. Bien que parler de ces problèmes de pratique excessive du bouddhisme reste un tabou, certains bouddhistes, qui pratiquent leur religion avec plus de simplicité, se rendent bien compte qu’il existe des choses plus importantes, qu’il faudrait un jour pouvoir calmer toute cette folie. Ces bouddhistes modérés ne demandent qu’à suivre une existence qu’ils estiment juste, dictée par les 5 préceptes du bouddhisme : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir, ne pas tromper son conjoint, ne pas consommer d’alcool ou de drogue.

Ce qu'il faut retenir de la Birmanie


Les gens


L’apparence physique des birmans vaut à elle seule le détour, comptant bons nombres d’attributs qui nous paraissent bien exotiques : le thanacra sur le visage (cette racine qui leur permet de se protéger du soleil et qui leur sert de maquillage, hommes comme femmes), le port du longyi (ce long drap qu’ils portent comme une robe, hommes comme femmes), un parapluie à la main (essentiel pour se protéger du soleil ou de la pluie), à cracher leur bétel (cette noix enroulée dans des feuilles qui devient de couleur rouge sang après l’avoir mâchée, une véritable horreur à l’odeur bien caractéristique qui est la cause de problèmes de dents et de divers cancers), les femmes portant parfois leurs marchandises sur la tête. Leur peau passe de tons clairs (typé "chinois") à très foncés (typé "indien"), offrant toutes les nuances de couleurs.

Comme je n'ai cessé de le répéter durant mes aventures : les birmans se sont toujours montrés d'une grande générosité et d'une honnêteté irréprochable, comme je pense jamais je n'ai connu nulle part ailleurs. Je ne me suis jamais senti autant en sécurité dans un pays, et il est très reposant d'accepter le premier prix donné sans avoir à le négocier. En plus de cela, j'ai trouvé les birmans beaucoup plus ordonnés et sérieux que ce que j'ai pu voir au Vietnam. Au Vietnam, il m'a toujours semblé que les enfants grandissaient vite, mais restaient ensuite de grands enfants tout le reste de leur vie, à picoler, déconner sans arrêt, tout prendre à la légère, tout faire à moitié. En Birmanie, les enfants grandissent vite également, mais semblent continuer à gagner en maturité avec l'âge, j'ai souvent trouvé un grand professionnalisme chez eux, malgré la grande pauvreté du pays. Leur manière de conduire par exemple m'a beaucoup impressionnée : ils respectent la signalisation, peu de klaxons superflux, personne ne s'insère au dernier moment dans la file qui les arrange pour gruger les autres, peu de personnes conduisent en téléphonant, les casques (pour ceux qui en ont) sont souvent de bonne qualité, et les automobilistes ont même mis en place un code de clignotants pour indiquer ou non le dépassement possible (clignotant droit = "je vois des voitures en face, reste bien sagement derrière moi", clignotant gauche = "personne en face, vas y coco, maltraite ton champignon !"). Ces règles de conduites sont sans doute nécessaires par le fait que sans elles, les Birmans conduisant à droite avec le volant souvent à droite, la circulation serait un chaos des plus total (le changement de sens de conduite, conseillé par un astrologue au dictateur Ne Win, date de 1970).

La barrière de la langue reste tout de même un petit problème... Même si le niveau général est légèrement supérieur à celui du Vietnam (et de beaucoup de pays d'Asie du Sud-Est), il reste très faible. Mais j'ai quand même tout le temps réussi à me faire comprendre plus ou moins, à force de persévérance.

J'ai reçu beaucoup de sourires pendant mon épopée, mais à certains moments, quand je m'aventurais trop dans l'arrière pays déserté des étrangers, ce n'étaient que des visages d'incompréhension totale que je croisais, ou même d'hostilité parfois, qu'il était impossible à changer en sourire. Des moments de complicité avec les Birmans, j'en ai eu, mais des moments de malaises, où je mangeais mon "curry", fixé par une dizaine de pairs d'yeux jusqu'à ma dernière bouchée, j'en ai connus également...


Les paysages


Un peu déçu par les paysages que j'ai pu voir. A part la route de Mawlamyine à Hpa An, quelques tronçons entre Mandalay et Lashio, et certains points de vue de la randonnée de Kalaw, peu d'images me resteront en mémoire. Les paysages étaient assez redondants, très plats, on a vite fait le tour. Enfin, avec tous les pays que j'ai pu faire, je commence à être assez pointilleux !

Je n'ai cependant fait qu'une partie du pays : je ne connais pas l'extrême Sud du pays, où les plages sont parait-il magnifiques, ni le Nord du pays, où s'achève l'Himalaya (partie du pays fermée à la population à cause de la guerre ethnique). Je suis certains que certains paysages dans ces régions valent le coup d'être vus. Ce sera pour une prochaine fois, je l'espère !


La nourriture


Avis assez mitigé sur ce point... Il m'est arrivé de manger d'excellentes choses (pour parfois moins cher encore qu'au Vietnam !), comme des plats vraiment ignobles. Aucun problème de digestion pendant ces 15 jours en Birmanie, je pense que j'ai eu de la chance parce que les intoxications alimentaires sont fréquentes ici.

Dans mes bonnes surprises culinaires, je garderai en mémoire les petits beignets de légumes fris ou samoussas, fourrés aux aubergines, haricots rouges, pois, bananes, maïs... Ces beignets sont souvent servis avec du thé au lait concentré, que je buvais avec autant de plaisir que le café vietnamien. J'ai bien aimé leur façon de préparer les piments dans la région du lac Inle (les piments sont des aliments de base ici, mieux vaut aimer les plats au goût relevé !), avec du citron et des cacahuètes. Les repas dans les minorités ethniques pendant la randonnée étaient délicieux, assez semblables à ce que l'on peut trouver en dormant "chez l'habitant" au Vietnam, composés d’un assortiment de viandes et légumes à manger avec du riz.

Dans les moins bonnes surprises, parfois leur "curry" (nourriture typique de là-bas, avec du riz, allant avec un assortiment de sauces, de viandes, et de légumes) était immangeable, servi avec de la viande attendant depuis plusieurs jours dans des marmites peu ragoutantes accompagnée de bambou fermenté ou de légumes trop cuits.

Les monuments


Pour les passionnés de vieilles choses et d'histoire, la Birmanie est un véritable régale. Le pays regorge de beautés invraisemblables, Bagan fait parti des lieux historiques les plus magnifiques du monde, et la pagode Shwedagon contient des richesses sans pareil. Le moindre petit village possède au moins une pagode, on devient presque blasé de ces majestueux pics dorés avec le temps (je pense ne pas vous mentir si je vous dis que j'ai croisé plus de mille de pagodes hors-Bagan pendant mon trip à moto). La Birmanie doit ses nombreux monuments à son histoire, extrêmement complexe, faite d’unions et d’éclatements des états qui constituent l’empire Birman.

La Birmanie en moto


La conduite est plus reposante qu'au Vietnam, moins dangereuse, plus disciplinée (je ne vous cache pas que je préférai la conduite vietnamienne, je trouvais ça plus amusant, mais à chacun ses goûts !). Si au Vietnam il faut se méfier des traversées de poulets en zones rurales, c'est des chiens qu'il faut prendre gare ici, qui m'ont imposés plus d'un arrêt en urgence (ici, au lieu de manger les chiens, on les nourrit, ce qui leur permet de proliférer sans problème). Aucun problème pour trouver des mécaniciens sur la route pour réparer la moto, aucun souci pour trouver de l'essence dont le prix au litre est le plus bas que je n'ai jamais vu (moins de 50 cents le litre). De nombreuses personnes voyagent "à l'extérieur", sur le toit de camionnettes, ce qui permet d'avoir de nombreuses interactions visuelles avec les locaux, beaucoup plus plaisant que de doubler voitures ou camions. Les gens vont souvent par deux sur leurs motos, passager en amazone (fille comme garçon, puisqu'ils portent tout deux le longyi), offrant ainsi facilement les "eye-contact" que j'aime tant durant ces moto-trips.

Les distances sont grandes en Birmanie, et si les axes principaux sont bien entretenus (péages fréquents pour entretenir la route, gratuit pour les motos), les routes de campagnes, elles, sont très souvent difficilement praticables. Cela ne donne que très peu de marge de manœuvre quant aux choix des itinéraires... De plus, la location de moto pour des étrangers semble être encore à la limite de la légalité, sans que personne ne sache réellement si c'était autorisé ou non. Pour conclure, je dirai que la moto en Birmanie a ses bons côtés, mais d'autres pays comme le Vietnam s'y prêtent encore plus.